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Des circuits d’hier aux arènes d’aujourd’hui 3/3 : plus de sécurité

À la fin des années 70, Bernie Ecclestone s’impose comme le leader d’une révolution qui transforme la Formule 1. Alors que les circuits improvisés des débuts devenaient obsolètes, les exigences de sécurité, l'explosion des coûts et la professionnalisation marquent la fin d’une époque et l’émergence d’un sport devenu industrie.

Grand Prix d'Allemagne 1976 | Photo : David Phipps

L'ascension de Bernie Ecclestone

La fin de la saison 1971 a marqué un tournant pour la Formule 1 avec le rachat de Brabham par un homme de petite taille, brun, et reconnaissable à ses lunettes : Bernie Ecclestone. Ancien pilote, propriétaire de Connaught, et manager de Stuart Lewis-Evans puis de Jochen Rindt, Ecclestone était déjà une figure connue du paddock, apparaissant épisodiquement. Cependant, avec cette acquisition, il s'installa durablement dans le monde de la F1. C'est lors du Grand Prix du Canada à Mosport qu'il consolida sa prise de pouvoir au sein de la F1CA en étant élu président. Son premier geste significatif fut de demander l'allocation de 25 camions pour que les écuries puissent transporter leur matériel à moindre coût lors de ce Grand Prix.

Ce premier coup d'éclat n'était que le début d'une transformation majeure qui, en l'espace de six mois, propulsa la Formule 1 dans une ère de médiatisation et d'organisation professionnelle. Face à Ferrari, les autres équipes suivirent rapidement ce petit homme aux lunettes, voyant en lui un leader et un moyen de pression grâce à leur union. Ferrari, avec Matra et BRM, était la seule équipe à construire également ses propres moteurs, tandis que les autres étaient toutes propulsées par Ford, renforçant ainsi leur unité. Les coûts devinrent exorbitants : les budgets des équipes de pointe passèrent de 250 000 $ en 1968 à 2 000 000 $ en 1972 pour Lotus.

Les petites équipes eurent du mal à suivre le rythme, d'autant plus que les organisateurs ne payaient pas leur dû. Ces équipes devaient également faire face à des frais d'inscription exorbitants auprès de la CSI pour des prestations souvent décevantes. Ecclestone s'engagea à changer cette situation, et en moins d'un an, il y parvint.

Teddy Mayer (directeur McLaren) et Bernie Ecclestone (directeur Brabham) | PHOTO : David Phipps

nouvelle ère pour les circuits et les équipes

Une vague de nouveaux circuits, pensée directement par les organisateurs pour le spectacle, transforma le Grand Prix de F1 en l'expression ultime du sport automobile, supplantant l'Endurance et les courses sur route, lesquelles déclinèrent en raison des nouvelles normes. Les organisateurs, voulant rentabiliser leur investissement en attirant les spectateurs, négligèrent les écuries en leur versant des sommes dérisoires.

En 1970, ces dernières furent étranglées financièrement, notamment les équipes anglaises, pour qui les nouvelles normes de construction représentaient un fardeau financier. De plus, les pilotes exigeaient un vrai salaire, contrairement aux années précédentes où ils se contentaient de simples primes, voire d’un petit billet passé sous la table.

La professionnalisation toucha tous les niveaux. Et bientôt, sous l'impulsion de Bernie Ecclestone, elle atteignit également l'organisation des épreuves. Ecclestone, arrivé dans les valises de MARCH, et plus précisément de Max Mosley, un des cinq fondateurs de cette écurie au concept original – celui de la vente de monoplaces sur catalogue aux pilotes privés – continua à transformer la F1. Il fallut attendre 1982 pour qu’une équipe soit obligée d'engager son propre châssis.

Un pilote privé pouvait alors s’acheter une March pour 6 000 £ et un moteur Cosworth pour 6 500 £ en version bridée. Malgré cela, les défections d'équipes se multiplièrent au milieu des années 60. La première vague d'écuries arrivées dans les années 50 disparut, au profit de petits artisans anglais, aventuriers et souvent sans le sou. Par exemple, à la fin de l'année 1970, March accusait un déficit de 113 000 £.

Il devint alors nécessaire d'obtenir de meilleures primes de départ de la part des organisateurs et, surtout, de garantir un nombre minimum de participants pour éviter de devoir organiser des courses en formule libre, c’est-à-dire compléter le plateau avec des voitures de catégories inférieures.

Ainsi, en 1968, naquit la F1CA / FOCA, l'Association des Constructeurs de F1, qui avait pour but de syndiquer les écuries afin de défendre leurs droits. Au même moment, la GPDA, Association des pilotes de Grand Prix, fut également créée pour défendre les droits des pilotes face à une CSI omnipotente.

Jack Brabham | Grand Prix des Pays Bas 1967 | By Eric Koch for Anefo

pilotes et constructeurs ont leur mot à dire !

Sous la présidence de Maurice Baumgartner, la CSI accéda aux demandes des pilotes en 1970 en apportant plusieurs changements au règlement, notamment concernant les circuits. Désormais, les pistes devaient se conformer à une inspection menée par une commission d'homologation, incluant entre autres un représentant du GPDA pour valider les tracés. Les circuits devaient également disposer d'une bande de trois mètres minimum entre la piste et le rail, et la voie des stands devait être séparée de la grille de départ, ce qui, en théorie, éliminait d’office des circuits comme Spa ou le Nürburgring, trop longs pour être intégralement bordés de rails.

Pourtant, ces deux tracés figuraient toujours au programme de 1970, ce qui provoqua l'ire des pilotes. Les organisateurs proposèrent alors deux idées controversées : des primes d'arrivée au lieu de primes de départ, et des courses sprints pour qualifier le fond de grille, les premiers étant qualifiés d'office. Ces mesures provoquèrent la colère des écuries. La F1CA ressortit renforcée de ce bras de fer après que les organisateurs capitulèrent face à la menace de boycott.

Spa eut lieu, mais au prix d'une guerre entre la GPDA et les pilotes fidèles à l'ancien monde, tels que Jacky Ickx et Pedro Rodriguez. Ces deux pilotes se montrèrent proches des organisateurs, bien qu'Ickx ait été victime de l'incompétence de la CSI à Jarama, où les commissaires n'avaient même pas d'extincteur pour éteindre les flammes. Spa était encore pire, car le circuit n'était pas complètement bordé de doubles rails obligatoires et était très long, ce qui compliquait l'intervention des secours en cas d'accident.

En revanche, le Nürburgring fut exclu du championnat et remplacé par le circuit de Hockenheim, modernisé et mis aux normes après le tollé provoqué par la mort de Jim Clark. L'année 1970 marqua un tournant dans le monde de la F1 : les pilotes devinrent majoritairement des professionnels, et les circuits tracés sur route ouverte, tels que Spa, disparurent. Mais surtout, Bernie Ecclestone, le manager de Jochen Rindt, commença à prendre le pouvoir dans l'ombre, apportant de nouvelles habitudes aux pilotes.

Malheureusement, Jochen Rindt sera la dernière victime de 1970. Lorsqu'il perdit les freins à Monza, sa Lotus 72 découpa un rail placé trop haut, et Rindt fut égorgé par son harnais coincé dans le rail. Désormais libéré de la gestion d'un pilote, Ecclestone resta impliqué, ayant constaté que ce monde qu'il avait quitté en 1958, alors amateur et anachronique, était devenu une usine à rêves et à potentiels gains financiers.

Les tumultes de la saison eurent raison de Maurice Baumgartner, qui démissionna lors du dernier Grand Prix. Paul von Metternich, le nouveau président, allait devoir trancher sur les questions cruciales qui divisaient le monde de la F1.

Grand Prix des États-Unis Ouest | Jody Scheckter et James Hunt | PHOTO : Christian Sinclair

Amélioration de la sécurité

L'année 1971 marqua la prise de pouvoir d'Ecclestone au sein de la F1CA, et donc le début des problèmes pour la CSI et les organisateurs de Grands Prix. Suite aux divers accidents de la saison précédente, notamment ceux de Jacky Ickx et de Piers Courage, une nouvelle règle imposa des commissaires formés, ce qui mit les organisateurs en conflit avec la CSI. La F1 entrait dans une nouvelle ère, où la professionnalisation et la sécurité devenaient des priorités absolues, marquant la fin d'une époque révolue et l'avènement d'une organisation plus rigoureuse et contrôlée.

Les organisateurs du Grand Prix de Belgique refusèrent de mettre la piste de Spa aux normes, entraînant son exclusion. Zandvoort était également sur la sellette : l'organisateur n'avait pas effectué les changements promis l'année précédente et ne le ferait pas, ses finances étant dans le rouge. Le Grand Prix du Mexique fut annulé suite au fiasco de 1970 et à la faillite des organisateurs, incapables de payer les mises aux normes de la piste. De plus, la mort de Pedro Rodriguez rendit cette course moins pertinente pour le public et les promoteurs.

En revanche, le Nürburgring réussit l'exploit de se conformer aux nouvelles normes. Des rails de sécurité furent installés à certains endroits, des bacs à sable ajoutés dans les virages critiques, et les bosses furent rabotées pour éviter des accidents comme celui de Gerhard Mitter en 1969.

Les coûts liés aux nouvelles normes devinrent exorbitants pour les associations qui organisaient les épreuves. Qui plus est, les spectateurs et surtout les téléspectateurs, un nouveau type de public au début de cette décennie, étaient désorientés par le manque de cohérence du championnat. Par exemple, certaines courses se déroulaient le samedi, comme à Silverstone et à Kyalami, tandis que les autres avaient lieu le dimanche. Les horaires variaient également, avec des départs à 15h30 à Monaco, à 14h pour la plupart des courses, et à 11h30 à Montjuïc.

Ken Tyrrell met la main à la patte pour fixer des barrières mal installées au Grand Prix d'Espagne 1975

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